La PAC de l’Union européenne a accompli sa mission originelle : sécuriser l’approvisionnement alimentaire durant la période d’après-guerre. Malgré des réformes en série, la PAC ne répond pas aux défis du XXIe siècle.
Environ 175 millions d’hectares de terres agricoles constituent le paysage en Europe, soit 40 % de la superficie totale. Pâturages de moutons en Irlande, vignobles en France, vastes champs de céréales en Allemagne de l’est ou encore, petites fermes de Roumanie: l’agriculture européenne est diversifiée à tous points de vue. Elle est façonnée par les conditions écologiques, la culture, l’histoire, la politique, les développements économiques, et les façonne tout autant en retour.
Les paysages culturels qui ont émergé au fil des siècles reflètent l’histoire de l’Europe. Ces terres sont utilisées par un peu plus de dix millions d’exploitations agricoles. Un tiers d’entre elles se situent en Roumanie, un peu plus de 13 % en Pologne, suivie de l’Italie et de l’Espagne. La taille moyenne des fermes varie considérablement. Tandis qu’en Roumanie, elle s’étend sur un peu plus de trois hectares, en République tchèque, elle couvre 133 hectares. La contribution de l’agriculture à la production économique globale varie également d’un pays à l’autre. Si la moyenne européenne pour 2017 était d’environ 1,4 %, dans de nombreux nouveaux États membres de l’est, elle serait supérieure à 3 %, tandis que dans les anciens États occidentaux, elle se situait entre 0,5 et 1 %.
Malgré cette diversité, la politique agricole n’est pas élaborée à Dublin, Paris ou Bucarest, mais plutôt à Bruxelles. Aucun autre secteur économique de l’Union européenne n’est aussi fortement influencé par les règles communes que le secteur agricole – il est assujetti à la Politique Agricole Commune (PAC). Ses objectifs et ses tâches ont été définis pour la première fois en 1957, soit il y a plus de soixante ans. La Communauté européenne, qui ne comprenait au départ que six pays, voulait fournir suffisamment de nourriture à des prix raisonnables aux populations d’une Europe en ruine au lendemain de la guerre. Il convenait donc de promouvoir la productivité agricole, de stabiliser les marchés – c’est-à-dire d’éviter de fortes fluctuations des prix – et de garantir un niveau de vie équitable aux paysans. La PAC a atteint son objectif d’autosuffisance en très peu de temps. Dès les années 1970, les agriculteurs de l’UE produisaient plus de denrées alimentaires que l’Europe avait besoin. L’attrait pour des prix et des revenus stables ont rapidement montré leur aspect négatif : surproduction laitière et gaspillage systématique des fruits.
Bien que la politique agricole de l’UE a été fondamentalement révisée à plusieurs reprises depuis lors et que les subventions aux exportations ont disparu, un nouveau catalogue d’objectifs qui puissent répondre aux défis du XXIe siècle n’a jamais été fixé. Cela concerne le type d’alimentation produite, l’influence de l’agriculture sur l’environnement et la nature, le développement durable et de manière générale, la justice. La protection de l’environnement, des animaux et du climat, la santé humaine et le développement social dans les zones rurales sont les principaux défis qui devraient être réglementés au niveau européen. Toutefois, ces questions n’ont été définies qu’au cas par cas, par des clauses transversales et jamais dans leur globalité.
Comment pourrait fonctionner une réforme agricole de l’UE, au sein de laquelle de nouvelles priorités, paiements ou économies doivent être ancrés ? La Commission européenne a élaboré une proposition de réforme : le Parlement européen et le Conseil des ministres de l’Agriculture débattent et modifient, puis décident, dans le cadre d’une coordination minutieuse entre les trois institutions concernées appelée « trilogue ». Une fois le texte législatif adopté, ses dispositions devront être mises en œuvre par les lois et les réglementations nationales dans les États membres. Les organisations environnementales, paysannes et de développement ont critiqué à plusieurs reprises le fait que le processus de négociation a dilué toutes les propositions de réforme visant à rendre la PAC plus durable et plus équitable. Depuis sa création, son objectif reste en effet de stabiliser les revenus agricoles.
Actuellement, la politique agricole dispose d’environ 38 % du budget de l’Union européenne. Cela représente 58 milliards d’euros par an dans toute l’UE. En d’autres termes, chaque citoyen de l’UE paie 114 euros par an pour la politique agricole de l’UE. Bien que la PAC soit le poste budgétaire le plus important de l’UE, son pourcentage diminue depuis des années. En 1988, ce chiffre était de 55 % - d’ici à 2027, on s’attend à ce qu’il ne soit plus que de 27 %. La PAC est divisée en deux parties. On les appelle des « piliers ». Le premier, le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), représente 75 % des fonds de la PAC. Les paiements forfaitaires sont versés aux exploitations agricoles à partir du FEAGA : il s’agit des primes à la surface. En moyenne, ces dernières s’élèvent à 267 euros par hectare et par an dans toute l’UE. En raison de la taille différente des fermes, ce fonctionnement signifie que 82 % des fonds de l’UE ne vont qu’à 20 % des bénéficiaires des aides. Le deuxième pilier, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), ne dispose que de 25 % du budget de la PAC. Il finance des programmes de développement rural, d’agriculture biologique, de soutien à l’agriculture dans les zones défavorisées ou de protection de l’environnement, du climat et de la biodiversité.
Bien que le FEADER récompense les performances environnementales de l’agriculture de l’UE, la Commission a proposé de réduire ce budget d’environ 27 % au cours de la prochaine période de financement. Le premier pilier, cependant, ne serait réduit que d’environ 11 %. Ce serait la dernière erreur en date dans une histoire de la PAC jusqu’ici riche en failles.